"Les nombreux cas d'Africains abimés par des crèmes achetés aux marchands d'orvietan qui promettent des peaux claires comme la paume de la main, préoccupent les dermatologues de Libreville." Le Monde, 1er juillet 1999.

Depuis, on ne compte plus les articles de presse, les émissions radio ou télévisées sur le sujet. La pratique de la dépigmentation volontaire de la peau est enfin sortie de l'ombre. La dépigmentation volontaire de la peau à ne pas confondre avec le vitiligo, une maladie chronique de l'épiderme qui se caractérise par des taches blanches qui apparaissent et s'étendent sur la peau désigne l’ensemble des techniques et procédés utilisés pour obtenir un éclaircissement ou blanchiment de la peau pour des raisons esthétiques.

A droite, des mains atteintes du Vitiligo et à gauche, des mains volontairement dépigmentées.  

Celle-ci a vu le jour dans les années 60 dans la communauté noire de l’Etats Unis raciste et ségrégationniste de John F. Kennedy. C'est la-bas que les vertus blanchissantes d’une substance appelée hydroquinone furent découvertes sur des ouvriers afro-américains qui travaillaient dans des entreprises de caoutchouc ainsi que dans le milieu du textile, notamment dans la fabrication de jean. Les ouvriers qui étaient sans protection et quotidiennement en contact avec l’hydroquinone que l’on utilisait pour le délavage de jeans et également comme un antioxydant sur le caoutchouc ont pu voir à la longue l’effet éclaircissant que ce produit toxique et dangereux avait sur eux. C’est donc ainsi, qu’est née quelques années plutard la dépigmentation volontaire de la peau, celle-ci se propagea comme une trainée de poudre dans le reste de la communauté noire et le continent africain. Au fil des années, le phénomène a pris une tel ampleur au point de devenir aujourd’hui une source de préoccupation majeure pour les sociétés africaines.

Historiquement, la pratique de la dépigmentation volontaire débute son expansion dans le continent africain par l’Afrique du Sud. Les marchés anglophones africains constituant la destination initiale des produits (descriptions dès 1961 en Afrique du Sud et dès le début des années 70 au Sénégal), le phénomène atteint rapidement toute l’Afrique subsaharienne dans les années 80. La dépigmentation a commencé en ville avant de se répandre par la suite dans les campagnes. Quelque temps après, elle s’est étendue également aux personnes pauvres qui s’orientaient vers les produits cosmétiques à moindre coût. Dans cette catégorie, les produits cosmétiques à base d’hydroquinone, sont les moins chers donc beaucoup plus utilisés par celles ou ceux qui n’ont pas de grands moyens dont l’utilisation requiert une préparation préalable de la peau pour accélérer l’éclaircissement et obtenir un teint uniforme. La dépigmentation volontaire à beaucoup évolué au cours de ces 20 dernières années, avec la mise à disposition, à la fin du XXème siècle de moyens techniques d’éclaircissement efficaces, faciles d’emploi et bon marché bien que toutes aussi toxiques et dangereuses.

En effet de nos jours en Afrique comme en Europe, se dépigmenter est un jeu d’enfant car malgré que toutes les crèmes contenant des produits chimiques dangereux pour la santé et toxique pour l’environnement soient officiellement interdites en Afrique comme en Europe et donc en France, les possibilités de se procurer des produits éclaircissants restent immense. En effet, sur la plupart des produits dit dépigmentant l’étiquetage ne mentionne pas le détail de leur entière composition ou alors il n’est pas libellé en français, même s’il s’agit de produits importés, il est aussi possible d’acheter sur internet, d'en acheter à la sauvette ou même de se faire ses propre mélange chez soi « la plus célèbre est la sénégalaise, le « lakh ».

C’est un mélange contenant savon antiseptique, shampoing, huile de palme, huile d’arachide, eau de javel. Cet étonnant dépigmentant a fait le tour de l’Afrique » nous raconte le Docteur Khadi Sy Bizet, médecin esthétique dans son livre Le livre de la Beauté Noire et il y a aussi toutes ces femmes qui rapportent des produits et des préparation artisanales d’Afrique, pour les revendre illégalement dans leur boutique de cosmétiques, parce que, par-là, les contrôles sont nettement plus faibles : « Je me suis avisée, un jour en Côte-d’Ivoire, de demander à une vendeuse comment je devais procéder pour me blanchir. Elle me propose illico plusieurs produits. » nous témoigne Khadi Sy Bizet. « D’abord un savon décapant qui sent étrangement le souffre et l’eau de javel ; puis une crème éclaircissante pour le visage, suivie d’un lait éclaircissant pour le corps ; enfin de dessous son étalage, elle extrait deux petits tubes de crèmes que je reconnais comme étant à base de cortisone. Je dois les mélanger avec les autres produits avant application. Le tout revient à 16 500F CFA (environ 23 euros). J’en ai pour une semaine ! Je refuse sous le prétexte que c’est trop cher. Alors, en bonne professionnelle, elle me propose autre chose : un pot contenant une mixture qu’elle fabrique elle-même et qu’elle me propose pour la modeste somme de 4000 FCFA, (5,5euros). » poursuivit-elle. « D’accord mais il me faudrait tout de même quelques explications sur ces deux méthodes. Et elle me répond, non sans un certain aplomb : « Tu as de l’argent, tu achètes les premières ; avec l’autre (le pot à la mixture), ta peau va noircir un peu d’abord, comme si tu étais brûlée, et puis elle va s’éplucher et là, tu seras claire ». Lorsque que j’ai tenté de savoir la composition, elle s’est totalement fermée et à rangée tous ses pots… » nous explique le Docteur. La plupart des individus qui ont recours à la dépigmentation de la peau sont donc pour la plupart inconscients ou non informés sur la dangerosité des produits blanchissants qui utilise.

Ces crèmes et pillules dépigmentantes à ne pas confondre avec les crèmes appelée dépigmentantes ou éclaircissantes éliminant les points noirs, les cicatrices d’acnés ou les impuretés ; sont eux bourrés de produits chimiques tels que la cortisone, utilisées sous forme de topique, les crèmes à base de cortisone, sont en réalité des médicaments anti-inflammatoires, exclusivement réservés aux traitements de certaines dermatoses. Beaucoup de ces cortisones vendues peuvent être des imitations de corticoïdes légaux avec des noms approchant de ceux connus et autorisés. Mais même ceux autorisés sont détournés de leur utilisation originelle. Malheureusement, l’un comme pour l’autre sont très facilement procurable sur le marché. L'hydroquinone et la cortisone étant les produits chimiques les plus utilisés, le sel de mercure, le plomb, d’eau de javel, le pétrole, de souffre et j’en passe font aussi parti des nombreux produits utilisés dans des mélanges artisanales ou incorporer à des crémes éclacissantes, dans l'unique but d’éclaircir la peau en détruisant l’épiderme responsable de la couleur de peau. Pour nous rendre compte nous-même de la facilité qu’il y a de se fournir en produits dépigmentants, nous nous rendont toutes les trois à Château-Rouge, un quartier situé au 18eme arrondissement de Paris un week-end, réputée pour ses magasins exotiques et ses boutiques de cosmétiques « afro », nous parcourront une dizaine de magasins de cosmétiques, pour la plupart tenus par des hommes et des femmes d’origine pakistanaises, chinoises ou africaines, lorsqu’une attire notre attention, nous y entrons donc prétextant vouloir acheter des mèches et des tissages.

Une dame d’origine africaine, nous accueillent. Josiane et Vanesa, étant restant du côté des mèches. Ayant la peau la plus foncée du groupe, je me lance et demande à la vendeuse que je souhaite m’éclaircir la peau et que je souhaite acheter des produits éclaircissants, étonnée elle me questionne sur mes raisons et la somme que je possède. Après discussion, celle-ci finit par ceder fasse à mon enthousiasme. Elle passe alors derrière le comptoir et me propose d’abord une crème à base de carotte, appelée Caro Light à seulement 7,50 pour 120ml à appliquer deux fois par jour sur tout le corps après la douche.. Elle m’explique que cette crème m’aidera à enlever mes taches d’acnés, unifier et éclaircir mon teint. Un homme sort de la réserve et nous rejoint, la dame lui explique alors mon problème dans une autre langue. L’homme lui répond alors en français que vu mon teint, pour bien m’éclaircir et être même plus clair que Josiane, il me faudrait quelque chose de plus concentrée. Il repart donc dans la reserve me chercher mon fameux élixir de blancheur. Il revient quelques minutes plus tard, avec deux petits flacons d’à peine 5cm, l’un appelé Clear Action au prix de 11,00 euros et l’autre Lemon Sérum A3 à seulement 10,00 euros à appliquer deux fois par semaine maximum chacun. Après ces explications du vendeur, nous demandons quelques minutes de concertation pour faire notre choix. Après reflexion, Vanesa se décide à refuser l'offre des vendeurs  en repondant que nous n’avons pas la somme demandée mais que nous repasserons dans l’après-midi.

Après quelques recherches, nous apprenons qu’ils contiendraient de l’hydroquinone dans la première crème Caro light qui nous a été proposées dans la boutique.

       La crème Caro Light, à base d'hydroquinone                                De l'hydroquinone en tube à usage médicale

Il aussi ces piqures miracles des stars qui blanchirait la peau sans danger : « […]  Je tiens à préciser que ce produit n’existe pas et je vous met en garde contre certains charlatants qui vous proposent ces injections qui ne sont que de la cortizone injectable, qui met votre vie en danger» affirme, le Docteur Khadi Sy Bizet.

Au-delà des modes, l’utilisation de ces crèmes tant convoités est proscrite et dangereuse.

Malgré qu’il fut à une époque longtemps autorisés dans les produits cosmétiques à raison de 2% pour son effet « bloqueur » de la mélanine ; l’hydroquinone était la matière première des crème éclaircissantes, pour les traitements des taches sombres sur tous types de peau jusqu’à ce qu’on constate ses dangers ! En 2000, la France, puis tout l’Europe se dotent d’une législation pour en interdire l’incorporation dans les produits cosmétiques. En effet, l’utilisation répétée de l'hydroquinone, expose à des risques de cancer de la peau. Les produits à base de cortisone, sont le second ingrédient plus souvent utilisé dans ces crèmes et celui qui représente le plus de danger de cette pratique. En médecine, son utilisation exige le respect strict du schéma thérapeutique, la durée du traitement est toujours courte pour éviter non seulement les effets secondaires sur la peau qui devient plus minces et perd de son élasticité naturelle et laisse apparaitre des vergetures au fil des utilisation mais aussi sur l’organismes comme le risque de diabète et d’hypertension, c’est-à-dire un AVC, ou un infarctus par exemple. On peut en mourir ou en rester handicapé à vie. On constate aussi une fragilisation et un vieillissement accéléré de la peau. Elle risque aussi d'engendrer des affections d'ordre général, comme une hypertension artérielle, un diabète, un dysfonctionnement des glandes surrénales et encore pire, sur les femmes enceintes.

1ere image-Une affiche de prévention contre l'utilisation de l'hydroquinone            

2eme image- Une femme défigurée par l'utilisation de crème éclaircissante à base d'hydroquinone.

Il y aussi ces piqures au glutathion qui dépigmenterait naturellement la peau. Le glutathion est un antioxydant produit naturellement par l’organisme. On ne le trouve donc pas de glutathion dans la nature, les gélules de glutathion sont tout sauf du glutathion, c’est tout au plus une formule chimique qui s’en rapproche, de plus concernant les gélules cela doit passer la barrière digestive, au final seulement 10 % du principe actif des gélules passe dans l’organisme, c’est pour ça qu’il est vendu sous forme de patch et de piqures.

Vendeurs à la sauvvette de savons et de crèmes éclaircissantes artisanales

Quant au préparation artisanales/fait maison souvent vendues à la sauvette, elles exposent à des brulures qui peuvent être graves, profondes, voire mortelles, selon leur exposition ; Tous les services de dermatologie en Afrique connaissent ces accidents liés à cette pratique. « Ils reçoivent ces malheureuses dans les services d’urgences. Un confrère dermatologue en Côte d’Ivoire m’a raconté qu’il a ainsi reçu une jeune femme brulée vif sur la totalité du corps. Elle avait pris « un bain de pétrole » pour décaper sa peau ; résultat désastreux ! …. Mais elle est restée défigurée » raconte Docteur Khadi Sy Bizet. 

Corps de femmes après l'utilisation répétée de crèmes éclaircissantes frabriquées artisanalement.

Au niveau santé comme esthétique, la blancheur « à un prix et pas des moindre puisqu’il sans cessent se tartiner le corps pour s’assurer la pérennité du résultat » selon le Docteur, pour un résultat pas toujours à la hauteur. En effet, les femmes qui se dépigmentent on beau nier, leur teint jaunâtre pour certaines et rosé pour d’autres, le visage se recouvre d’un fin duvet noir, visible surtout sur la lèvre supérieure, ce qui donne un aspect moustache et les mains, genoux, coudes et pieds qui dépigmentent difficilement laisse paraitre des années d’utilisation abusive de ses produits dépigmentants. « Certaines femmes, elles se dépigmentent partiellement, c’est-à-dire qu’elles n’éclaircissent que les parties découvertes de leur corps (visage, décolletés, bras et parfois jambes » confient le docteur.